Bonjour à tous, vous l’attendez avec impatience cette émission, alors autant vous mettre dans l’ambiance de suite…
Aujourd’hui je vous emmène sur les traces et l’histoire des sorcières en Ardèche, au temps de l’inquisition mais vous verrez qu’étonnement, la dernière « sorcière » condamnée en Ardèche ne remonte pas au moyen-âge ou aux guerres de religions, loin de là, embarquons au XIXe siècle pour commencer par les pages de notre histoire les plus récentes pour remonter la trace d’une vieille femme condamnée à mourir pour sorcellerie, quand vous connaîtrez l’identité de son bourreau, vous tomberez des nues, et comprendrez pourquoi les journaux de l’époque, nous ont traités de peuple archaïque !
Acte I- Une sorcière bien malgré elle martyrisée par un conseiller municipal et ébouillantée !
Cette histoire se passe en Ardèche, sur la commune de Thueyts en Juillet 1884 !
Cela pourrait vous sembler complètement fou, voire insensé mais la dernière sorcière Ardéchoise a bien été brûlée vive au mois de Juillet 1884 à Thueyts. C’est grâce au journal de l’époque et notamment un article du site Retronews que nous apprenons cette affaire qui avait fait grand bruit, une vieille femme accusée de sorcellerie par son voisin, conseiller municipal de la ville de Thueyts s’est retrouvée molestée puis pendue par son voisin au dessus de la cheminée sentant son corps s’embraser, la pauvre vieille femme a été admise à l’hôpital puis elle est décédée chez elle à Thueyts des suites de ses blessures.
Mais pourquoi a t-il commis un tel acte ?
En fait, cet homme s’est étonné, un beau matin, de voir son épouse « incapable d’allaiter son enfant », alors que tout allait manifestement bien les jours précédents. En conséquence de quoi il s’est mis en tête d’accuser la vieille dame du village, déjà régulièrement prise à partie par les habitants pour des suspicions de sorcellerie, et de faire justice lui-même.
Mais pourquoi l’accuser elle ?
La sorcière de Privas voit son funeste sort dû à son âge remarquable et remarqué dans le village, sa mâchoire « édentée », son nez « pointu », sa façon de radoter en vieux patois, son bâton en guise de canne, et son mode de vie solitaire. Tous ces signes distinctifs ont fait d’elle la cible des enfants et adolescents de la ville, qui l’ont surnommée « La Sorcière », et lui ont collé sur le dos tout un tas de rumeurs surréalistes. La plupart des habitants, sans surprise, n’y croient guère.
Le journaliste de l’époque est abasourdi par ce fait divers et il écrit ceci dans le journal après cette condamnation à mort digne d’un autre temps loin d’être glorieux, les chasses aux sorcières !
« Les jurés de la Cour d’assises lui apprendront, espérons-le, qu’en pleine France et en plein dix-neuvième siècle on ne croit plus aux sorciers, et surtout, qu’on ne brûle plus personne, que la torture est abolie. Ce retardataire de plusieurs siècles semble l’ignorer, il doit ignorer tant de choses !
C’est qu’en son jeune temps, voyez-vous, l’école n’était pas, comme aujourd’hui, ouverte à tous. Pour être logique avec lui-même, cet homme qui croit aux sorcières et les condamne au feu, il doit s’attendre à aller ramer sur les galères du Roi ou à être pendu, haut et court, à la branche d’un chêne, puisque c’était là le supplice réservé aux manants, du temps que les moines en cagoules envoyaient les sorciers au bûcher. Il ira apprendre, dans quelque maison centrale, qu’on ne pend plus, qu’on ne brûle plus, qu’on ne rame plus sur les galères, et que sorciers et sorcières n’existent plus de nos jours. »
Mais qui était donc cette vieille femme, quelle est donc son identité, j’ai enquêté sur cet article de presse et je vous le fais donc découvrir…
Le crime ayant eu lieu à Thueyts, il a fallu que je me concentre dans un premier temps sur les candidates décédées fin Juin début Juillet 1884 à la période mentionnée dans le journal, le fait que la « sorcière » en question était une vieille femme, permet d’éliminer certaines candidates d’office.
Cependant aucune trace du dossier judiciaire de l’affaire criminelle n’a été retrouvée dans les archives de la cour d’assises (série U) à ce jour.
La « sorcière » s’appelait Marguerite DELUBAC, elle était âgée de 84 ans, elle était veuve de Alexis CLEMENT. Elle s’était mariée avec cet homme, le 5 Juillet 1819 à Montpezat-sous-Bauzon d’où elle est originaire.
Marguerite DELUBAC est née le douze fructidor an huit soit le 30 Août 1800 à Montpezat, elle est la fille de Simon Etienne DELUBAC et de Anne VIGNE.
A Thueyts, se trouve d’ailleurs un lieu qui a peut être joué sur les croyances de certains habitants à la sorcellerie, le pont du diable et sa légende :
“Le pont fut construit sous l’inspiration du diable pour la perdition des âmes des belles filles de Thueyts. Le diable se décida à exécuter ce que ne pouvait faire les hommes. Mais après leur avoir bâti un pont, il étendit son pouvoir sur le gouffre, le rocher, et la nuit venue, il chasse les âmes, suivi par un cortège de bêtes impures dont les clameurs se mêlent au tumulte des eaux. Par nos âmes, que le diable lui-même construise un pont pour que nous puissions rejoindre nos amoureux, disaient les filles de Thueyts. Ainsi fut fait le pont. C’est pour cela que certains jours de grand vent on entend leurs lamentations et cris de repentir. Le diable, un jour, jeta ce pont sur le sauvage défilé de l’Ardèche à Thueyts, pour que les garçons et les filles puissent abriter sur l’autre rive leurs coupables amours. Mais beaucoup, glissant dans le gouffre, ne revinrent jamais au village, et l’on croit parfois entendre leurs appels désespérés mêlés au grondement des eaux.”
Acte II – Les procès contre les sorcières Ardéchoises au temps de l’Inquisition !
C’est encore non loin d’Aubenas, à Vogüé, que fut condamnée à mort la plus ancienne sorcière du Vivarais connue à ce jour, Louise Fumat, originaire de Saint-Germain canton de Villeneuve de Berg, Antoine de Barjac, bailli d’Antoine de Vogüé, seigneur de Rochecolombe et coseigneur de Vogüé, instruisit le procès. Juridiquement convaincue tant par ses aveux que par les dépositions des témoins d’avoir foulé aux pieds la sainte hostie, et fait périr par ses sortilèges plusieurs animaux domestiques, de s’être prostituée aux hommes et au démon, après s’être débarrassée de son mari, d’avoir fait pacte avec le diable et s’être rendue à la synagogue et aux sabbats, Louise Fumât fut condamnée, le 8 juin 1490, à être pendue aux fourches patibulaires de La Brousse, près du ruisseau de Vernadel; ses biens furent confisqués au profit du seigneur de Rochecolombe. Les procès de sorcellerie deviennent plus fréquents au XVIème siècle, à la veille de la Réforme. Il semble que les mêmes causes qui ont assuré le succès du mouvement calviniste en Vivarais aient favorisé l’accroissement du nombre des sorcières et des devins. En 1511, Isabelle Durant, veuve de Jean Fumat et Jeanne Audouard, femme de Mondon Raoulx, de Vogüé, sont emprisonnées pour crime de sorcellerie au château du seigneur du Besset, Jean Fumat avait-il un lien de parenté avec Louise Fumat, c’est possible néanmoins les archives étant lacunaires pour cette période rien ne permet de l’affirmer.
Acte III – Procès de Catherine Peyretone (1519).
Catherine Peyretone, veuve de Mondon Eyraud, habitait le lieu de Villaret, paroisse et mandement de Montpezat, diocèse de Viviers. Le bruit courut dans le pays que Catherine était imbue de l’esprit malin et s’adonnait à des maléfices diaboliques. La rumeur publique s’amplifiant et le fait étant devenu notoire, l’inquisiteur intervint. Monseigneur Louis Briny, professeur de théologie, frère mineur du couvent d’Aubenas vicaire général de la Sainte Inquisition dans le diocèse de Viviers, à ce député par Monseigneur Louis Chambon, frère mineur de Largentière, inquisiteur général, dressa contre Catherine Peyretone, le 24 septembre 1519, un acte d’accusation formidable. Catherine était accusée d’avoir renié Dieu, la Vierge, les saints et de s’être donnée, corps et âme, au diable Barrabam, à qui elle payait tous les ans un denier sans croix, à titre de cens. Avec l’aide du diable, elle pouvait donner la maladie et la mort en frappant la victime de sa main gauche ou d’un petit bâton noir. Elle n’avalait plus l’hostie, mais la crachait ; elle aspergeait l’eau bénite en l’honneur du diable. Elle pouvait faire évanouir le sortilège qu’elle avait jeté en disant à voix basse : “Barrabam te l’a donné, et Barrabam te l’ôte”.
Acte IV- Les supplices et les tortures infligés aux sorcières
Sous l’ancien régime, pour faire avouer le crime de sorcellerie, les inquisiteurs étaient prêts à tout, et bien évidemment torturer était leur technique favorite !
Premier supplice : l’épreuve de l’eau appelée aussi supplice de l’ordalie : si l’accusée ne se noyait pas elle était reconnue comme sorcière, dans le cas contraire, son honneur était lavée mais elle mourait noyée malgré tout autant dire qu’avec cette sentence elles étaient condamnées par avance !
Second supplice : Les marques du diable : Une autre torture bien pratique sous l’inquisition pour vérifier si une femme était une sorcière, c’était de chercher des taches de naissance, notamment sur le côté gauche du corps. Parce que dans ce cas-là, pas de doute, on avait affaire à une sorcière portant le stigmate de sa rencontre avec le Malin infligée par la queue ou la griffe dudit. Les filles étaient donc présentées nues à des juges qui devaient évaluer le caractère diabolique des marques. On prenait une épingle et on les piquait pour voir si elles saignaient. Si elles ne saignaient pas… SORCIÈÈÈÈRE !!!!!
3ème supplice : La torture pour obtenir des aveux, une technique qui était parfaitement rodée et qui fonctionne encore aujourd’hui ! L’estrapade consistait dès lors à nouer les bras d’une supposée sorcière derrière son dos, à accrocher des poids à ses pieds, puis à la suspendre brutalement via une sorte de levier plusieurs fois de suite. Bras désarticulés, os cassés dans tous les sens, aveux ou mort. Autant tuer direct du coup.
4ème supplice : Autre instrument idéal pour obtenir des aveux dûment signés, les brodequins consistaient en deux planches de bois attachées de part et d’autre des jambes de l’accusée que l’on resserrait peu à peu jusqu’à que tous les os des jambes éclatent. SYMPA.
5ème supplice : Imaginez un appareil de torture appelé une poussette, ce truc est de plus en plus resserré sur des doigts qui éclatent. Imaginez aussi que les pics sont utilisés pour être glissés sous les ongles de la sorcière présumée. A votre avis : en combien temps elle avouait ?
6ème supplice : Un sarcophage noir dans lequel on enfermait la sorcière. A l’intérieur du sarcophage, des lames qui percent sans tuer. On ouvre, on ferme, on ouvre, on ferme, on ouvre, on ferme, on ouvre SORCIÈÈÈÈREEEEEE !!!!
7ème supplice : La priver de sommeil, on enfermait une sorcière dans une pièce avec un truc dans sa bouche relié au mur par une corde. Si la sorcière essayait de s’allonger, elle s’arrachait les dents et était donc obligée de rester debout, incapable de dormir. Morphée ne pouvait donc pas la sauver, elle était condamnée à rester éveillée !
8ème supplice, un grand classique, le bucher, la purification par le feu. Combien périrent par les flammes telle que cette bonne vieille Jeanne D’Arc ?
9ème supplice : Le pesage : consistait à peser la sorcière en utilisant comme poids la bible ou d’autres objets légers. Si elle était plus lourde ou plus légère, elle était déclarée coupable (dans le premier cas, un esprit de la terre la possédait et dans le deuxième cas il s’agissait d’un esprit du feu).
Conclusion
Suite à l’échange que j’ai eu récemment avec Monsieur Pierre HERZ au sujet des sorcières, voici son ressenti concernant nos fameuses sorcières Ardéchoises : Il y a un paradoxe sociétal au regard de l’Ardèche qu’il croit bon de relever. Le sud du Vivarais a toujours été considéré du moins jusqu’au 19ème siècle ( moyen âge et féodalité compris) comme plus évolué que le nord du département et notamment le Haut-Vivarais avec ses êtres rustres, certains habitant à même des trous dans le sol … Oh bien sûr c’est relatif, comme il tient à me le rappeler du Sud au Nord, nous avions bien les mêmes conditions sociales, mais quand même, il y avait un petit frémissement perceptible au sud en matière d’évolution sociale. Le paradoxe réside qu’il aurait donc été logique qu’au fil des siècles et plus on avance dans le temps, les croyances inhérentes à la sorcellerie seraient plus ancrées au Nord qu’au Sud. Eh bien c’est le contraire! Sorciers et Sorcières sont plus au Sud et bien moins présents au Nord. Il y a semble-t-il une raison cela : Au Nord comme par exemple dans le Haut-Vivarais s’est développé les rites de conjuration. Nous en avons de multiples exemples que ce soit par exemple pour les femmes stériles, telle rivière, telle pierre sur laquelle il convenait de s’allonger, à telle heure bien précise, avec des invocations non moins précises. Ou bien encore tel lieu où avec des invocations et une cérémonie codifiée permettait de conjurer le sort. Le rite remplaçait donc la fonction sociale de la sorcière. Pour clore mes observations par rapport à votre sujet, je pense qu’il ne faut pas non plus oublier les sorcières fantasmées qui dans l’imaginaire collectif ont traversé les siècles. Souvent à la base il y a une vérité qui au fil des siècles aboutit à la légende. Je pourrai à titre d’exemple évoquer DAMONA la sorcière qui avait tari les sources, puis jetant un caillou qui de par son extraordinaire pouvoir pouvait parcourir des dizaines de killomètres, DAMONA disant que là où ce caillou retombera, la source rejaillira. C’est ainsi que par exemple jaillit la source de l’Ayguenere, les fameuses eaux-noires considérées par ailleurs comme guérisseuses. Légende bien sûr. Mais qui prend probablement son origine avec DAMONA, la déesse celte des sources …
Pour conclure, je terminerai par ce constat entre 1430 et 1630, le continent européen a connu 110 000 procès en sorcellerie, dont 48% se sont soldés par une condamnation à mort. Et c’est sans compter les exécutions privées et les lynchages…