Acte I : Deux hommes que tout oppose !

André François Adrien Garde est issu d’une longue lignée de notaires de génération en génération dont petit aparté mes ancêtres François Gabriel Garde & Louise Marlhens mariés le 7 Décembre 1734 au Chambon sur Lignon en Haute-Loire. Les plus anciens ancêtres connus de celui qui va devenir Maire de Rochepaule en 1841 sont Pierre Garde, Notaire Royal & Louise Chapoutier de Saint Barthélémy le Plein, commune située à quelques kilomètres de Rochepaule. André François Adrien est le fils de Jean François Gabriel Garde, Maire et Notaire de Rochepaule et de Dame Anne Marie De La Fayolle, mariés le 25 Vendémiaire an XIV soit le 17 octobre 1805 à Rochepaule. Je vous vois venir, que signifie donc Vendémiaire, il s’agit du nom du mois révolutionnaire car sous la période révolutionnaire, un nouveau calendrier est adopté.. 5 ans plus tard, André François Adrien Garde voit le jour le 26 Juillet 1810 à Rochepaule. Il ne le sait pas encore mais dans quelques années il deviendra le héros de son village …

François Dumont n’a pas cette chance, il est issu d’une famille d’agriculteurs de génération en génération et son père est décédé en prison à Nîmes, alors qu’il n’avait que 4 ans. En effet, j’ai retrouvé la transcription du décès de son père sur les registres de Rochepaule en date du 20 Octobre 1835, dans cet acte on peut apprendre que ce fameux père fut condamné à une peine de prison et que le 19 Juillet 1824 soit 11 ans auparavant, il décède à Nîmes alors qu’il est incarcéré à la maison centrale. 11 ans plus tard, apprendre le décès de son mari, je n’ose imaginer à quel point cela a du être long pour Louise sa femme qui n’avait plus de nouvelles de lui ! Ayant grandi sans père, le petit François a très vite mal tourné et ceci peut donc expliquer sa fin tragique au bagne de Toulon ! François est le fils d’autre François et de Louise Bastenc, dont j’ignore pour l’instant la date de mariage … François est l’un des derniers enfants de ses parents, grâce à son matricule de bagnard, on peut y apprendre qu’il est né, le 15 Août 1820 à Rochepaule hors son acte de naissance reste introuvable sur les registres d’état civil de la commune. Néanmoins, il reste toujours une solution mettre la main sur son acte de baptême qui a dû être versé aux archives départementales de l’Ardèche et qui est donc consultable à Privas.

Acte 2 : La nuit du drame de Février 1849 à Rochepaule

Ce jour-là, alors que André François Adrien Garde remplit tranquillement ses fonctions de maire de Rochepaule depuis 8 ans déjà après avoir succédé à Monsieur Vaux, un drame est en train de se jouer sur le hameau du Cros ou des Crozes à Rochepaule… En effet, François Dumont, qui vient de terminer sa peine d’un an et un jour de prison pour un vol qu’il avait commis en 1848 se rend chez Monsieur Jean Vacheresse et la soeur de ce dernier prénommée Jeanne. François Dumont était en effet détenu à la Maison centrale de Riom, petite précision, cette maison centrale située dans le Puy de Dôme a été créée en 1820, dans un ancien cloître dont certains bâtiments datent du XIIe siècle, sa fonction d’origine était l’ancien couvent des Cordeliers. Malheureusement je n’en saurai pas plus sur cette condamnation pour vol car les registres d’écrou de la maison centrale de Riom pour cette période sont lacunaires ! Il se rend donc chez Monsieur Vacheresse qui n’est autre que son ancien patron, il était employé à son service quelques années auparavant … Pour quelle raison, se rend t’il donc chez lui à cette heure tardive de la nuit pour lui quémander de l’argent pardis, libéré depuis peu, François est fauché, il connaît peu de monde qui peut l’aider financièrement, il pourrait bien demander à sa mère Louise Bastenc toujours vivante mais la pauvre femme vit sur le hameau de Montagne dans la maison de Jacques Mahussier. Ce soir là, François a une idée en tête obtenir coûte que coûte de l’argent de la part de son ancien employeur, il ramasse plusieurs pierres avant d’escalader la barrière de la propriété puis rentre par effraction, là il se montre menaçant et va tenter d’assassiner Jean Vacheresse, son domestique André Dussert et il va intimider également la pauvre Jeanne Vacheresse terrifiée ! Heureusement, le cri de Jeanne a averti un voisin qui est couru allé chercher le maire Adrien Garde. Ce dernier accourt au domicile des Vacheresse accompagné de ses hommes de main Vallet et Chave. Lorsqu’il pénètre dans la maison, Adrien Garde aperçoit les deux victimes en bien mauvais état, François Dumont prit dans une véritable crise de rage et de folie se rue sur le maire de Rochepaule, ce dernier l’évite tout d’abord avant de se prendre un coup violent de lanterne sur la tête, Dumont s’empare d’une faux et laisse une belle balafre sur la joue du maire. Cependant, les choses vont tourner court pour François Dumont, le maire de Rochepaule riposte et à l’aide de ses hommes de main, il parvient à maitriser l’individu et à lui passer les menottes ! François Dumont est arrêté, les victimes sont sérieusement blessées mais leur pronostic vital n’est pas engagé quelle bonne nouvelle. Après ce crime, les conséquences vont être lourdes pour François Dumont, c’est l’heure de son jugement.

Acte 3 : Le jugement de François Dumont

L’heure du jugement a sonné, il est temps pour François de payer les conséquences de ses actes, il comparait donc devant la cour d’Assises du tribunal de Privas, le 8 Décembre 1849. (Côte 2 U 32) C’est un homme inquiet qui comparait dans la salle de l’audience publique, François est roux, il mesure 1m70, il est plutôt grand pour l’époque et il a de nombreuses cicatrices sur le corps.

Premier acte d’accusation, il est coupable d’avoir à Rochepaule le 22 Février 1849, attendez je remarque une incohérence, comment peut il avoir commis son crime le 22 Février 1849 si c’est précisément à cette date que André François Adrien Garde a reçu la légion d’honneur pour l’avoir arrêté, cela n’a aucun sens logique ! En principe il faut au minimum un an pour obtenir la légion d’honneur, le maire de Rochepaule aurait-il bénéficié d’un passe droit si oui pour quelles raisons, l’histoire ne le dit pas … Vous pouvez consulter le dossier de la légion d’honneur de André François Adrien Garde sur la base Léonore.

Ministère de la culture – Base Léonore

Je reprends donc, il est coupable d’avoir commis une tentative de vol, la nuit dans une maison habitée, il portait des armes apparentes en occurrence des pierres, il est coupable d’être entré par effraction sur la propriété des Vacheresse en escaladant la barrière et bien évidemment coupable des coups et blessures et contusions qu’il a occasionné à ses victimes. Il a voulu assassiner avec préméditation Jean Vacheresse, la soeur de ce dernier Jeanne bien que son cas soit différent j’y reviendrai plus tard, André Dussert le domestique et bien évidemment André François Adrien Garde qu’il a d’ailleurs blessé à la joue.

Le jury déterminera qu’il n’est pas coupable d’avoir attenté à la vie de Jeanne Vacheresse, pourquoi avoir changé d’avis en cours de jugement, c’est fort étrange, l’affaire aurait-elle été légèrement enjolivée ? Vu ce qu’on peut lire dans la presse ancienne « que les victimes baignent dans leur sang » c’est fort possible … Et si François Dumont avait été la bête noire de la presse tout simplement car il était roux, hors on sait à quel point être roux à cette époque était mal vu par la société …

François Dumont est donc condamné pour trois tentatives d’assassinats et non quatre à une peine de travaux forcés à perpétuité (le bagne en soit) et il échappe ainsi à la peine de mort encore en vigueur à cette époque. Peine de mort qui restera appliquée jusqu’à la date du 10 Septembre 1977, autrement dit c’était hier !

Acte 4 : La mort de François Dumont peu de temps après !

François arrive au bagne de Toulon, le 16 Février 1850, il y décède peu de temps après, victime des mauvaises conditions sanitaires du bagne, il s’éteint le 28 Juillet 1850 à Toulon à l’hôpital maritime des bagnards, sans faire de mauvais jeu de mots, le terrassier aura été terrassé !

Son acte de décès sera retranscrit sur les registres de Rochepaule, quelques jours plus tard contrairement à son père, les services du bagne de Toulon ont été plus réactifs que ceux de la maison centrale de Nîmes. Louise apprend donc la mort de son fils, elle s’éteint deux ans plus tard âgée de 60 ans.

Acte 5 : La vie de André François Adrien Garde après la mort de Dumont !

Grâce à l’association Rochepaule pour Mémoire, Mémoire d’Avenir et à Monsieur Pierre Herz, son Président, j’ai pu avoir la chance de voir son portrait en peinture.
Voici sa description physique, il était brun aux yeux marrons, un peu trapu, il mesurait à peu près 1,70m, portait une moustache et avait la barbe bien entretenue.
Un maire au poil en somme !

Adrien Garde et sa femme Anne Marie De Galley mariés en 1838 à Peaugres auront 6 enfants, 4 filles et deux garçons.
Leur dernier fils Joseph meurt le jour même de sa naissance, le 12 Février 1855, Anne Marie meurt 1 mois après, car suite à l’accouchement elle est tombée malade.

Adrien ne se remariera pas, il meurt à l’âge de 74 ans, le 19 Janvier 1885 à Rochepaule.
Peu de temps après son décès, un article élogieux le concernant intitulé « nécrologie » parait dans le Journal d’Annonay et relate le fameux crime de Rochepaule avec quelques incohérences évidentes par rapport à l’acte de jugement de François Dumont.

Aujourd’hui encore, la tombe de André François Adrien Garde subsiste au cimetière de Rochepaule située à côté de l’église, vous pouvez donc vous y recueillir si vous le souhaitez.

André François Adrien Garde ne connaîtra donc jamais le destin de son fils Marie Joseph Stanislas Sylvain décédé à Marseille, le 23 Mars 1897, qu’est ce qui a bien pu le conduire à Marseille, le mystère demeure sur ce point.

Son autre fille Mathilde était partie de Rochepaule et pour cause !
Mathilde Garde est en fait partie vivre à Fribourg en Suisse, c’est grâce à la presse ancienne et totalement par hasard que je suis tombé sur la mention de son décès à Fribourg en tapant seulement « Rochepaule » dans l’outil de recherches comme quoi …
Et savez-vous ce qu’elle faisait en Suisse ?
Elle était devenue religieuse à la Villa Miséricorde de Fribourg, elle est décédée à l’âge de 72 ans, le 6 avril 1915 !

Sa fille aînée Marie Josephe Françoise Célie quant à elle va mourir dans des circonstances pour le moins tragiques, le 20 Mars 1912 alors qu’elle se trouve à la gare de Serves sur Rhône dans la Drôme, la crinoline de sa robe s’enroule dans le mécanisme de la locomotive et elle meurt étouffée à l’âge de 71 ans.

Pour suivre sa fille Isabelle, ce fut aussi compliqué car en 1887, alors qu’elle est malade elle se rend aux thermes de Salies de Béarn pour se soigner dans ce lieu bien connu des curistes déjà au XIXe siècle. Son mari devait être également malade car Edmond Jacques décède deux ans plus tard soit le 19 Mai 1889 à Magny en Vexin dans le Val d’Oise.

Isabelle quant à elle décède le 6 Mars 1900 à Valence âgée de 53 ans.

Triste fin pour cette famille Rochepauloise, le malheur a pas mal frappé à Rochepaule et la famille Garde n’a pas été épargnée, en conclusion qu’on soit pauvres ou riches, paysans ou notables on est tous égaux devant la mort !